✯ Messages : 105 ✯ Date d'inscription : 05/09/2019 ✯ Alias : nótt (mariko) ✯ Faceclaim : andrew scott @ chrysalis. ✯ Disponibilité : uc; ✯ Laissez-passer : ✯ Réputation : fils indigne de son nom. ✯ A L.A. depuis : toujours, enfant des collines d'hollywood. ✯ Activité : producteur indépendant aux crochets de papa. ✯ Quartier : les clubs de sunset strip. ✯ Ambition : devenir anonyme, c'est possible? | Sujet: couleur de trottoir. Lun 30 Sep - 0:48 | |
| Alma est arrivée ici un matin d'automne. Par les fenêtres, elle avait aperçu, nappés dans un brouillard matinal, les boulevards bordés de palmiers, les façades aux couleurs vives, les femmes et les hommes aux vêtements criards qui arpentaient les trottoirs. Le bus les avait crachés en un vrombissement sonore, elle et d'autres voyageurs, dans l'immense gare routière, où se mêlaient, râpeuses, les odeurs d'essence, de transpiration, de cigarettes et de patchouli. Ses narines s'étaient immédiatement emplies de ces parfums confus, aussi agressifs que réconfortants ; c'était donc ça, l'odeur de cette ville qu'elle avait aimée sans pourtant la connaître, qu'elle avait espérée sans savoir ce qu'elle en attendait, au juste. Chaque jour, des milliers d'autres, comme elle, se déversent dans cette ville organique, fourmilière vertigineuse, labyrinthe d'asphalte. Cars, trains, bateaux, avions. Tous avec ce même grand rêve – trop grand pour eux, trop haut, trop loin. Alma, elle aussi, y a cru, sans que nul sache vraiment dire pourquoi. Sa mère qui ne comprend pas pourquoi elle a voulu partir, son père qui l'accuse d'avoir brisé le cœur de sa mère, cette dernière qui proteste, et la boucle continue. Alma, bien seule. Alma, silencieuse, surtout. Les premiers temps, elle les rassurait, prétendait avoir trouvé un bel appartement – sans mentionner les moisissures et les quelques souris avec lesquelles elle le partageait – annonçait des castings, quand il s'agissait de visages en arrière-plan pour un nom mal orthographié au générique. Maintenant, elle n'essaie même plus, et les laisse se désoler sans mot dire. Les appels téléphoniques s'espacent, petit à petit, tant ce matin d'automne lui semble loin. Les rôles sont rares pour son visage poupon, ses joues trop rondes, et sa peau trop sombre. Après quelques petits rôles dans des publicités, elle est devenue assistante de l'assistant costumier - chaque jour elle lave, lave, et lave encore, des kilos de tenues historiques aux pierreries en plastique. Quand elle ne travaille pas, Alma écrit. Elle noircit des pages et des pages, qu'elle relit avant de chiffonner, pour en écrire de nouvelles. Parfois l'encre déborde, de la feuille à ses doigts, et durant plusieurs jours elle porte les stigmates de sa secrète activité. Elle écrit sur tout, relate sa vie quotidienne, annote des envies de romans, de scénarios, de pièces de théâtre. Elle sort tous les jours, seule. Elle voit des spectacles, passe des heures en salle de cinéma, emprunte des ouvrages qu'elle ne rendra jamais, comme une soif de savoir que l'oisiveté de ses premières années dans la ville a éveillée. La ville l'a rendue dure à force de trop la dévorer ; mais désormais, c'est elle qui se nourrit d'elle, et qui la raconte, sans jamais s'en lasser.
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